Le Confinement, le sommeil, mes patients fatigués… et moi, et moi, et moi

Par le Dr Christophe Sureau, médecin généraliste, publié le 05 mai 2020.

Stress du confinement, perte des habitudes, des contacts sociaux… le sommeil peut en pâtir ! Tout le monde peut ressentir une fatigue inhabituelle.

Au-delà de cette période particulière, se plaindre de fatigue est extrêmement fréquent chez nos patients. Vous aussi vous devez entendre « Docteur je suis épuisé, donnez-moi des vitamines » !

Il est relativement simple d’explorer le sommeil, et c’est justement facile à faire en téléconsultation. 

 

Les causes de la fatigue peuvent être très diverses : pathologies infectieuses, cardiovasculaires, diabète… la liste est longue. Et dans toutes ces causes se cachent celles dues à une pathologie du sommeil !

Or il se trouve que ces étiologies sont, en fait, très fréquentes ! Très très fréquentes !

Mais par manque de temps et/ou méconnaissance, l’exploration de ce domaine n’est pas souvent réalisée. C’est très dommage car c’est quelque chose d’assez facile et qui peut justement être réalisé en téléconsultation ! Quelle aubaine en ce moment.

L’exploration du sommeil nécessite du temps pour un interrogatoire systématique et rigoureux. C’est pour cela que je conseille systématiquement de proposer au patient un rendez-vous spécifique pour cette exploration.

Il y a 6 axes à explorer, et ceci permet d’avoir un diagnostic dans 95 % des cas

 

Si on prend les choses par ordre de fréquence :

  • Les rythmes de sommeil,
  • Les problèmes d’insomnies,
  • Les apnées du sommeil,
  • Les syndromes anxio dépressifs,
  • Les traitements en cours,
  • Le syndrome des jambes sans repos.

Les rythmes de sommeil

 

Vaste sujet ! 30 % de la population active est en dette chronique de sommeil !

Le diagnostic est très facile. On demande :

  • Les horaires de sommeil en période de travail,
  • Les horaires de sommeil le week-end ou mieux en vacances,
  • Si le patient se sent mieux quand il est en repos.

2 minutes d’interrogatoire !

Bien sûr, pour les puristes, vous demanderez au patient de remplir un agenda de sommeil. Simple, rapide et riche de renseignements :

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Quand on constate une différence de temps de sommeil régulière entre la semaine et le week-end… le constat est simple. Et le traitement aussi… dormir plus.

Les problèmes d’insomnies chroniques

 

C’est un patient qui a du mal à s’endormir au coucher et/ou à se rendormir dans la nuit et/ou qui se réveille trop tôt.

  • Régulièrement, plus de 3 fois par semaine,
  • Depuis plus de 3 mois,
  • Avec une plainte diurne, asthénie notamment (les insomniaques sont rarement somnolents en journée).

C’est 20 % de la population qui souffre d’insomnie chronique !

L’interrogatoire peut être un peu plus long, et l’agenda de sommeil prend toute sa valeur ici.

L’annotation de l’agenda est accessible à tout le monde, il faut juste ne pas oublier de le remplir tous les matins, ça prend 20 secondes.

L’énorme intérêt est qu’il permet d’objectiver facilement le déroulement du sommeil du patient.

C’est un outil qui servira aussi pour le suivi du traitement en thérapie comportementale.

Les apnées du sommeil

 

On considère que 8 à 10 % de la population adulte présentent des apnées du sommeil. Mais seulement une moitié (à peu près) seraient diagnostiquées et traitées.

L’enjeu est grand donc dans la recherche de cette pathologie. Il est important car outre la fatigue, cette pathologie va donner souvent des problèmes de somnolence diurne excessive.

Ce symptôme correspond à un véritable endormissement en journée, avec tous les dangers inhérents en fonction de ce que l’on fait (conduite automobile ou camion, travail en hauteur…).

Dans le cas le plus fréquent, ce sont des patients qui ronflent, sont +/- en surpoids, se lèvent souvent la nuit pour uriner, entre autres symptômes.

Mais surtout ils présentent souvent une asthénie matinale inexpliquée.

En général ils vous disent qu’ils sont plus fatigués le matin au réveil que la veille quand ils se sont couchés !

Au moindre doute, il faut réaliser un enregistrement du sommeil. Examen qui doit être fait par un collègue compétent qui sait lire les tracés (il ne faut pas se fier à l’analyse automatique !).

Le traitement par PPC (pression positive continue) reste la référence en première intention.

Les syndromes anxio dépressifs

 

Très fréquents, 10 % de la population.

Le problème avec cette pathologie réside dans le fait que même dans une situation de syndrome anxio dépressif léger à modéré (très fréquents !) il y aura une altération de la qualité du sommeil et des symptômes d’asthénie marquée.

Il ne faut pas hésiter à se servir d’auto-questionnaires pour cerner la situation d’un patient (Pichot asthénie, Pichot dépression, HAD, Beck).

C’est aussi la seule situation dans laquelle on va avoir de véritables insomnies ET de véritables épisodes de somnolence diurne excessive. Ça peut aider au diagnostic.

Les traitements en cours

 

Il est évident que certains traitements peuvent avoir des effets sédatifs (antalgiques, anxiolytiques, etc.) d’où la fatigue… .

Mais d’autres peuvent altérer la qualité du sommeil (cortisone, …).

Par ailleurs certains traitements orienteront vers des causes d’insomnies secondaires. Par exemple, un patient qui prend des antalgiques régulièrement vous dira finalement qu’il dort mal à cause de ses douleurs lombaires.

Le syndrome des jambes sans repos

 

Peu connu mais pourtant très fréquent puisque 8 à 10 % de la population souffrent de ce syndrome par intermittence.

Le diagnostic est très simple et prend 4 questions et 2 minutes.

Il s’agit d’un ou d’une patiente qui présente :

  • Des douleurs ou gênes dans les membres inférieurs,
  • Le soir,
  • Au repos,
  • Et soulagées par la marche.

Le plus souvent un antalgique simple (niveau 1 ou 2) suffit à soulager.

Quelques fois, dans 2 % des cas, il peut devenir permanent, insomniant et être alors une cause d’asthénie diurne. Il faudra envisager un traitement plus spécifique (agoniste dopaminergique), le spécialiste neurologue ou somnologue s’en chargera.

Voilà un rapide tour d’horizon de l’exploration du sommeil dans un contexte d’asthénie. Il faut prendre le temps d’une consultation pour le faire et cela vous permettra de résoudre un grand nombre de situations de fatigues inexpliquées au premier abord.