La conduite à tenir devant une hyperuricémie asymptomatique

Par Gérard Chalès, professeur émérite de rhumatologie à la faculté de médecine de Rennes, mis à jour le 06 mai 2020.

1. Introduction

 

Si l’incidence de la goutte a plus que doublé ces 20 dernières années, la prévalence de l’hyperuricémie, facteur de risque le plus important pour le développement d’une goutte, a augmenté de façon plus modeste, passant en 20 ans de 19,1% (1988-1994) à 21,5% (2007-2008) dans les études américaines NHANES, montrant bien que l’hyperuricémie n’est pas le seul facteur expliquant l’augmentation de l’incidence et de la prévalence de la goutte. Cette augmentation de la prévalence de l’hyperuricémie peut être liée à l’extension de l’épidémie d’obésité, à une modification de l’alimentation (aliments industriels, riches en purines, consommation excessive d’alcool et de fructose), et à l’utilisation plus fréquente de diurétiques. [1].

Il faut considérer, en particulier, l’augmentation importante en 20 ans de la fréquence des comorbidités associées à l’hyperuricémie (et à la goutte), que ce soit l’hypertension (+15%), le diabète (+19%), l’insuffisance rénale (+17%), l’hyperlipidémie (+40%) et l’obésité morbide (+19%), l’hyperuricémie (et/ou la goutte) pouvant être la conséquence ou la cause d’une comorbidité [1].

C’est dire l’importance de prendre en considération la prise en charge des comorbidités associées à l’hyperuricémie, en particulier asymptomatique, même si le lien causal entre uricémie et comorbidités n’est pas formellement démontré. Néanmoins, on a montré, chez des patients sans comorbidités – ce qui élimine les facteurs de confusion – que la présence d’une hyperuricémie asymptomatique était un biomarqueur d’événements coronariens incidents, multipliant le risque par 1,82 [1].

La deuxième raison de s’intéresser à l’hyperuricémie asymptomatique et ses comorbidités est l’existence d’une association indépendante, en forme de U, entre uricémie et mortalité, chez l’homme et chez la femme, persistante après ajustement pour les facteurs de confusion, y compris la fonction rénale. Ces éléments méritent que l’on pose la question de savoir comment traiter l’hyperuricémie asymptomatique : doit-on faire baisser l’uricémie et à partir de quel valeur seuil ? [1].

2. Comment définir l’hyperuricémie asymptomatique?

 

La définition de l’hyperuricémie est basée sur le seuil de solubilité de l’urate de sodium dans le plasma, au-dessus de laquelle l’urate va cristalliser, valable chez l’homme comme chez la femme, atteint à 37°C pour une uricémie de 64 à 66 mg/L (384-392 micromol/L) et à 35°C (température estimée du gros orteil) pour une uricémie de 60 mg/L (360 micromol/L). Ce seuil de 60 mg/L (360 micromol/L) a été retenu par les dernières recommandations de l’European League Against Rheumatism (EULAR).

L’hyperuricémie est une condition nécessaire mais non suffisante pour l’apparition d’une goutte (hyperuricémie symptomatique) et l’on sait, d’après une étude de cohortes suivies pendant 15 ans, qu’environ la moitié des patients avec une uricémie > 100 mg/L (600 micromol/L) ne développaient pas de goutte [1].

La définition de l’hyperuricémie asymptomatique est à priori simple : c’est une hyperuricémie en l’absence de goutte ; elle vient cependant d’être affinée par un réseau international multidisciplinaire, le G-CAN (Gout, Hyperuricaemia and Crystal-Associated Disease Network), en définissant 3 stades « pré-clinique», avant le stade d’accès goutteux intermittents avec dépôts d’urate : hyperuricémie asymptomatique (hyperuricémie sans éléments cliniques de maladie goutteuse), dépôts de cristaux d’urate asymptomatiques (présence à l’imagerie dépôts de cristaux d’urate sans éléments cliniques de maladie goutteuse), hyperuricémie asymptomatique avec dépôts de cristaux d’urate (hyperuricémie avec présence à l’imagerie dépôts de cristaux d’urate et sans éléments cliniques de maladie goutteuse) [2].

3. L’imagerie remet-elle en question la définition de l’hyperuricémie asymptomatique ?

 

Cette nouvelle définition de l’hyperuricémie asymptomatique ont conduit certains auteurs à parler de goutte asymptomatique (ou pré-goutte ou goutte cachée) lorsqu’il existe des dépôts d’urate mis en évidence par l’imagerie, sans manifestations cliniques, conséquence d’une hyperuricémie chronique, mais on ne sait pas combien de ces sujets vont développer une goutte symptomatique ni au bout de combien de temps [1].

Néanmoins, la présence de dépôts d’urate dans les articulations et les tendons chez 30 à 50% des patients ayant une hyperuricémie asymptomatique chronique a été rapportée par plusieurs études d’imagerie en échographie et scanner double énergie. Ces dépôts d’urate se traduisent par la présence d’un double contour, de tophus accompagnés ou non d’érosions ; en outre, une inflammation de bas grade (power-doppler) a été mis en évidence chez un quart des patients, montrant que la présence de cristaux d’urate est capable de déclencher l’activation de signaux inflammatoires chez des patients avec une hyperuricémie asymptomatique [3].

4. Hyperuricémie asymptomatique et comorbidités cardiométaboliques et rénales : des arguments pour traiter ?

 

L’association entre hyperuricémie et maladies cardiovasculaires et rénales n’est pas nouvelles et date du 19ème siècle. Une relation étroite entre hyperuricémie et certaines comorbidités (hypertension, événements cardiovasculaires, insuffisance rénale et maladies métaboliques comme l’obésité et le diabète) a été établie pendant la dernière décennie sur des arguments épidémiologiques et expérimentaux ; les cultures cellulaires et les modèles animaux ont suggéré que l’augmentation de l’uricémie pouvait jouer un rôle dans l’insuffisance rénale, l’hypertension et le syndrome métabolique (regroupant obésité viscérale, diabète de type 2, dyslipidémie et hypertension artérielle) [1].

Compte tenu de l’apparition des comorbidités cardiovasculaires et rénales après une longue exposition à l’hyperuricémie, il est difficile de savoir si l’hyperuricémie est un marqueur de risque des maladies dites « non goutteuses » (comorbidités) ou un facteur de risque causal indépendant [4]. Malgré une relation temporelle (l’hyperuricémie précède les comorbidités : facteur prédictif ?), une causalité inverse ne peut être exclue [1]. Le lien causal est cependant loin d’être démontré et il reste à savoir de savoir si l’hyperuricémie et/ou la goutte sont la conséquence ou la cause d’une comorbidité, ou encore si le complexe hyperuricémie-goutte-comorbidités est issu d’un facteur commun : lorsque l’hyperuricémie et une maladie cardiovasculaire (MCV) coexistent chez le même patient, l’obésité peut être un facteur de risque commun à ces deux comorbidités [5].

Enfin, malgré les preuves fournies par les études épidémiologiques, le lien causal entre uricémie et comorbidités, notamment cardio-métaboliques [6] et rénales [7], n’est pas démontré par les études de randomisation Mendélienne [8,9] (les résultats d’études observationnelles peuvent potentiellement être biaisés, notamment par l’influence de facteurs confondants et de la causalité inverse. L’utilisation de marqueurs génétiques, reposant sur une méthode appelée randomisation mendélienne, permet de réduire les risques de biais afin d’estimer la relation causale entre un facteur de risque (phénotype) et une maladie : on compare ici les caractéristiques des patients avec et sans gènes de l’hyperuricémie).

5. Que faire devant une hyperuricémie asymptomatique ?

 

Devant une hyperuricémie asymptomatique, avant toute proposition thérapeutique, il faut : a) identifier les causes ou facteurs modifiables de l’hyperuricémie [habitudes de vie (alcool), obésité, médicaments hyperuricémiants] ; b) chercher la cause de l’hyperuricémie ; c) lister les comorbidités (IMC, périmètre abdominal, pression artérielle, score de risque cardiovasculaire) et adapter leur traitement ; d) chercher des dépôts d’urate tissulaire (peau, articulations, rein) par l’examen clinique et l’échographie ; e) surveiller régulièrement l’uricémie et la fonction rénale ; f) faire un bilan hématologique, hépatique, métabolique (glycémie, lipides), rénal, phosphocalcique ; g) calculer la fraction d’excrétion de l’urate, déterminer le pH urinaire (bandelette) [1].

 5.1 Traitement pharmacologique

Il est encore trop tôt actuellement, compte tenu de la discordance entre les études observationnelles et les essais cliniques, d’établir des recommandations concernant les bénéfices d’un traitement hypouricémiant (THU) pour chaque patient ayant une hyperuricémie asymptomatique [10], les arguments pour et contre étant développés dans le tableau 1. Les arguments contre sont nettement plus nombreux que les arguments pour. Le rapport bénéfice/risque d’un THU reste incertain. Les données sur l’efficacité de l’allopurinol ou du fébuxostat dans des indications « non goutteuses » sont limitées, avec un niveau de preuve insuffisant pour suggérer que la baisse de l’uricémie chez les sujets asymptomatiques pouvait prévenir la goutte, les maladies cardio-métaboliques et l’insuffisance rénale. Aucune société savante européenne (EULAR, British Society of Rheumatology) ou américaine (American College of Rheumatology) ne recommande l’utilisation d’un THU pour la prise en charge d’une hyperuricémie asymptomatique [11]. Seule la Société Japonaise de la Goutte suggère la mise en route d’un THU pour une uricémie > 80 mg/L (480 micromol/L) [1,12].

Le risque de développer ultérieurement une goutte doit être confronté au risque thérapeutique. Il s’avère que les THU, que ce soit l’allopurinol (ALP) et le fébuxostat, ne sont pas anodins [5]. Dans un registre français (2003-2016) analysant 602 cas de réactions indésirables cutanées sévères (SCAR), l’ALP était le médicament le plus souvent impliqué dans des indications inappropriées (51,9% ; 42,3-61,5), essentiellement l’hyperuricémie asymptomatique, compte tenu de l’extension actuelle d’indications de l’ALP aux maladies non goutteuses, à savoir les comorbidités associées à l’hyperuricémie ; les taux d’incidence annuels du syndrome d’hypersensibilité à l’ALP, des hospitalisations et de la mortalité chez les nouveaux utilisateurs d’ALP étaient, respectivement de 0,5%, 0,2%, et 0,04%, avec un risque 2 fois plus élevé d’effets indésirables chez les sujets sous allopurinol pour hyperuricémie asymptomatique. Selon les séries de la littérature, 60 à 86% des patients atteints de toxidermies sévères à l’ALP recevaient ce traitement pour une hyperuricémie asymptomatique. Dans une enquête de pharmacovigilance française faite sur 3 ans (2007-2010), on a enregistré 69 DRESS (DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms) avec l’ALP, médicament le plus fréquemment incriminé, à très haut risque de DRESS (Odd Ratio: 47,6 ; IC 95% : 35,8-63,2) [1].

Le risque de réaction cutanée avec le fébuxostat semble modérément augmenté chez les patients ayant eu des antécédents de réactions cutanées indésirables avec l’ALP (pas de réaction croisée) ; la survenue de DRESS est moins fréquente avec le fébuxostat qu’avec l’allopurinol [1].

Les effets indésirables sont similaires pour le fébuxostat et l’allopurinol, y compris les complications cardiovasculaires récemment rapportées (études CARES portant sur 6190 patients recevant fébuxostat ou allopurinol, suivis en moyenne 32 mois) : 10,8% des patients du bras fébuxostat ont présenté un évènement du critère principal (critère composite comportant décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal, accident vasculaire non fatal, angor instable nécessitant un pontage) contre 10,4% du groupe allopurinol (RR =1,03). En revanche, la mortalité toutes causes confondues et la mortalité cardiovasculaire étaient plus élevées dans le groupe fébuxostat que dans le groupe allopurinol (RR=1,22 ; IC 95 % :1,01-1,47 et 1,34 :1,03-1,73 respectivement) [1].

C’est dire l’importance de limiter ces indications inappropriées de THU pour prévenir les réactions indésirables cardiovasculaires et cutanées sévères et en informer le patient. Ceci a conduit l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (février 2013) à modifier le résumé des caractéristiques du produit ALP: « l’hyperuricémie asymptomatique n’est pas une indication au traitement par l’allopurinol » [1]. Les inhibiteurs de la xanthine oxydase (allopurinol, fébuxostat) ne sont donc pas recommandés pour prévenir les événements cardiovasculaires et les accès goutteux chez les sujets ayant une hyperuricémie asymptomatique ; traiter des patients pendant de nombreuses années pour éviter le développement d’une goutte ou d’une lithiase uratique – qui pourraient ne jamais survenir – n’est pas justifié, compte tenu des effets indésirables et de la non-adhésion thérapeutique chez des patients polymédicamentés [13]. Par ailleurs, l’efficacité du THU pour retarder la progression de l’insuffisance rénale reste très controversé [14-16].

En revanche, il est impératif de prendre en charge médicalement les comorbidités [1,5]. Il faut prévoir des examens cliniques et complémentaires pour les préciser. Il faut essayer, dans la mesure du possible, d’arrêter les médicaments hyperuricémiants (les béta-bloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II hors losartan, les diurétiques et l’aspirine à faible dose augmentent l’uricémie) et d’utiliser certains médicaments qui ont un effet uricosurique : fénofibrate ou atorvastatine en cas de dyslipidémie, losartan ou inhibiteurs calciques en cas d’hypertension artérielle, biguanides et glitazones en cas de diabète (les inhibiteurs des cotransporteurs sodium-glucose de type 2 (iSGLT2 ou gliflozines) ne sont pas encore commercialisées en France), remplacer l’aspirine par le clopidogrel et utiliser préférentiellement la spironolactone comme diurétique quand cela est possible) [1].

 

5.2 Traitement non pharmacologique

  • Modifications thérapeutiques du mode de vie

L’adaptation de son style de vie, et en particulier de certaines habitudes alimentaires, permet d’éviter les situations favorisant l’excès de fabrication d’acide urique [10].

Le régime pur et dur pauvre en purines n’est plus d’actualité, car son efficacité, sa palatabilité et sa durabilité sont limitées, et il conduit à une augmentation de la consommation de glucides raffinés et de graisses saturées à l’origine de l’insulinorésistance et d’une augmentation de la glycémie, des triglycérides et du low density lipoprotein (LDL)-cholestérol [1].

En revanche, les efforts diététiques doivent se concentrer sur la prévention des maladies cardiovasculaires et du syndrome métabolique (obésité et insulinorésistance) avec les traitements hypouricémiants. Par exemple, des approches diététiques pour stopper l’hypertension (fruits, légumes, noix et légumineuses, produits laitiers à faible teneur en matière grasse et céréales complètes, combinés avec un faible apport de sel, boissons sucrées, viande rouge et/ou transformée) étaient capables de faire baisser l’uricémie de 10 et 13 mg/L chez des patients qui avaient, respectivement, une uricémie supérieure à 60 et 70 mg/L ; cet effet était obtenu en 30 jours, avec maintien de l’effet à 90 jours [1].

Les ajustements sont très simples et peuvent se résumer en cinq points : supprimer la consommation de bière avec ou sans alcool, les alcools forts et les sodas sucrés contenant du fructose (voir l’étiquetage) ; limiter la consommation de protéines animales et de quelques aliments riches en purines (alterner viande maigre et poissons à consommer avec modération) ; favoriser les laitages allégés : 250 ml à 500 ml (ou équivalent en produits laitiers) de lait permettent de couvrir entre 10 et 20 % des besoins quotidiens en protéines (pour rappel les besoins en protéines : 1 g/kg de poids/j) ; autoriser le café (y compris le décaféiné) ; favoriser la vitamine C : une prise de vitamine C (entre 500 et 2000 mg/j) diminue l’uricémie et  a un effet cardiovasculaire bénéfique (attention, doit être évité en cas de lithiase oxalique) [1].

Le suivi d’un régime méditerranéen, par ses propriétés antioxydantes et antiinflammatoires, a entraîné une baisse de l’uricémie de 20% dans une petite série de patients avec une hyperuricémie asymptomatique et une meilleure adhésion à ce régime était associée à un plus faible risque d’hyperuricémie dans une population espagnole de sujets âgés à haut risque cardiovasculaire [1].

Cependant, il existe un manque de preuves démontrant le bénéfice thérapeutique des modifications diététiques chez les patients goutteux. Si les modifications thérapeutiques du mode de vie ont un effet très modeste sur l’uricémie, elles gardent tout leur intérêt en termes de santé globale, étant donné les comorbidités fréquemment associées à l’hyperuricémie et à la goutte, et le risque augmenté de maladies cardiovasculaires ; il faut donc encourager l’arrêt du tabac et traiter les éléments du syndrome métabolique ; conseiller une perte de poids progressive et réaliste (entre 5 à 15%), et la pratique d’une activité physique [1].

  • Perte de poids

La perte de poids (> 5 kg) après modifications thérapeutiques du mode vie ou chirurgie bariatrique est susceptible diminuer l’uricémie de 100 à 80 micromol/L [99], et de – 168 à 30 micromol/L dans une revue systématique d’études longitudinales chez des goutteux obèses ou en surpoids [1].

  • Activité physique

Les bénéfices de l’activité physique sont nombreux (bien-être, prévention des maladies chroniques, réduction de la mortalité, impact multisystémique). Après un programme de marche nordique, chez 100 Japonaises ménopausées, la diminution de l’uricémie et des triglycérides était associée, de façon synergique, aux modifications de l’insulino-résistance [1].

Dans une grande cohorte taiwanaise (467 976 participants dont 25% avaient une uricémie > 70 mg/L (420 micromol/L), en comparant les actifs (150 minutes d’activité physique par semaine ou 30 minutes par jour (> 5 jours par semaine) et les inactifs, on a montré que chez les actifs, la mortalité diminuait de 11% (vs une augmentation de la mortalité de 27% chez les inactifs), correspondant à une réduction de l’uricémie de 37 mg/L (222 micromol/L) ; il y avait une différence de 4 à 6 ans d’espérance de vie entre les actifs et les inactifs et l’effet de l’activité physique était similaire chez les patients avec et sans comorbidités [1].

Malheureusement, il est difficile d’obtenir l’application de ces mesures non pharmacologiques par les médecins et les patients, essentiellement par méconnaissance de la maladie goutteuse et de l’intérêt de ces mesures pour la santé globale, mais aussi par désintérêt des médecins pour l’éducation nutritionnelle et par difficulté de changer de comportement pour les patients qui se sentent blâmés pour leurs excès alimentaires [1].

6. Conclusions

 

Faire baisser l’uricémie par un traitement hypouricémiant (inhibiteurs de la xanthine oxydase ou uricosuriques) en cas d’hyperuricémie asymptomatique n’est pas aujourd’hui la priorité face à l’urgente necessité de prendre en charge les comorbidités cardio-métaboliques et rénales associées à l’hyperuricémie, nécessitant une coopération entre médecin généraliste et rhumatologue et une éducation du patient [1].

Il faut attendre les résultats d’études d’intervention de puissance suffisante avec des critères principaux pertinents pour démontrer le bénéfice d’un THU sur les comorbidités qui doit être supérieur au risque du traitement à long terme (effets indésirables cutanés et cardiovasculaires) [4,5] ; de nombreuses questions persistent : à partir de quel niveau seuil d’uricémie faudrait-il traiter ? pendant combien de temps ? avec quelles molécules (inibiteurs de la xanthine oxydase ou uricosuriques) ? Un score de risque clinique dédié à la goutte, similaire au score de risque cardiovasculaire pourrait être utile pour la prise de décision. [1].

Tableau 1 : arguments pour et contre un traitement hypouricémiant (THU) dans l’hyperuricémie asymptomatique (HUA) (d’après [1])

Pour Contre 
Eviter l’évolution vers une goutte symptomatique 50% des patients avec une HUA n’évoluent pas vers la goutte
Eviter l’extension des dégâts structuraux (érosions) Pas de dégâts structuraux à l’échographie des HUA (1ère MTP)
Les dépôts d’urate ne sont pas inertes dans les tissus (inflammation de bas grade) Pas d’inflammation à l’échographie des HUA (1ère MTP)
Considérer la goutte comme la présence de dépôts d’urate indépendamment de la présence ou de l’absence de manifestations cliniques Imagerie des dépôts d’urate non totalement spécifique
Rôle pathogénique de l’urate dans les maladies cardiométaboliques et rénales (patients à risque) Lien urate – comorbidités non démontré par les études de randomisation mendélienne
Diminution de la mortalité avec l’allopurinoL Augmentation de la mortalité avec l’allopurinol
  Rapport bénéfice/risque des THU incertain : toxicité de l’allopurinol (cutanée) et du fébuxostat (cardiovasculaire)
  Absence d’études d’intervention permettant d’affirmer que le THU améliore les comorbidités
  Absence de recommandations (sauf Japon)

Références

 

[1] Chalès G. Que faire devant une hyperuricémie asymptomatique ? Rev Rhum 2019;86:139-46.

[2] Bursill D, Taylor WJ, Terkeltaub R, et al. Gout, Hyperuricaemia and Crystal-Associated Disease Network (G-CAN) consensus statement regarding labels and definitions of disease states of gout. Ann Rheum Dis 2019;78:1592-1600.

[3] Joosten LAB, Crişan TO, Bjornstad P, Johnson RJ. Asymptomatic hyperuricaemia: a silent activator of the innate immune system. Nat Rev Rheumatol 2020;16:75-86.

[4] Yip K, Cohen RE, Pillinger MH. Asymptomatic hyperuricemia: is it really asymptomatic? Curr Opin Rheumatol 2020;32:71-9.

[5] Chalès G. Quand traiter une hyperuricémie asymptomatique ? Rev Prat 2015;65:672.

[6] Efstathiadou A, Gill D, McGrane F, et al. Genetically Determined Uric Acid and the Risk of Cardiovascular and Neurovascular Diseases: A Mendelian Randomization Study of Outcomes Investigated in Randomized Trials. J Am Heart Assoc 2019;8:e012738.

[7] Jordan DM, Choi HK, Verbanck M, et al. No causal effects of serum urate levels on the risk of chronic kidney disease: A Mendelian randomization study. PLoS Med 2019;16:e1002725. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6333326/ (accès le 26/02/2010).

[8] Zoccali C.The challenge of Mendelian randomization approach. Curr Med Res Opin 2017;33(sup3):5-8. https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/03007995.2017.1378514 (accès le 26/02/2020).

[9] Sumpter NA, Saag KG, Reynolds RJ, Merriman TR. Comorbidities in gout and hyperuricemia: causality or epiphenomena? Curr Opin Rheumatol 2020;32:126-33.

[10] Paul BJ, Anoopkumar K, Krishnan V. Asymptomatic hyperuricemia: is it time to intervene? Clin Rheumatol 2017;36:2637-44.

[11] Li Q, Li X, Wang J, et al. Diagnosis and treatment for hyperuricemia and gout: a systematic review of clinical practice guidelines and consensus statements. BMJ Open 2019;9(8):e026677. https://bmjopen.bmj.com/content/9/8/e026677?utm_content=consumer&utm_medium=cpc&utm_source=trendmd&utm_campaign=bmjo&utm_term=usage-042019 (accès le 26/02/2020).

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[14] Kimura K, Hosoya T, Uchida S, et al. Febuxostat Therapy for Patients With Stage 3 CKD and Asymptomatic Hyperuricemia: A Randomized Trial. Am J Kidney Dis 2018;72:798–810. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0272638618308345 (accès le 26/02/2020).

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[16] Shin DH. To treat or not to treat asymptomatic hyperuricemia in chronic kidney disease. Kidney Res Clin Pract 2019;38:257-9. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6727889/ (accès le 26/02/2020).