Le glyphosate est-il neurotoxique?

Par le Pr Olivier Kah, neurobiologiste, directeur de recherche au CNRS.

Mis à jour le 03 février 2020.

 

Un herbicide longtemps considéré comme non toxique pour l’homme

  • Depuis quelques années, le glyphosate est dans le viseur des tenants d’un retour à une agriculture plus éco-responsable et fait l’objet d’un vif débat médiatique. 
  • Le glyphosate (N-phospgonomethyl-glycine) est un herbicide systémique à large spectre, commercialisé en 1974 par la firme Monsanto sous le nom Round-Up®
  • Le glyphosate interfère avec une voie métabolique essentielle pour la survie des plantes, des bactéries et des champignons, mais qui n’existe pas chez les animaux. 
  • De ce fait, le glyphosate a été longtemps considéré comme non toxique pour l’espèce humaine. Les produits à base de glyphosate sont d’un usage extrêmement courant en France. Par exemple, au cours de l’année 2017 plus de 8800 tonnes de glyphosate ont été épandues sur les sols français.

Deux autorités s’opposent sur le caractère cancérogène

  • Bien que les populations humaines ne soient pas des cibles directes, elles peuvent être affectées suite à des contaminations accidentelles, des expositions professionnelles ou par le biais de l’alimentation, de contacts cutanés et/ou de l’inhalation. 
  • La conséquence est que le glyphosate ou son produit de dégradation l’AMPA sont retrouvés dans la totalité des échantillons biologiques des populations animales ou humaines testées. 
  • En 2015, le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), bras armé de l’OMS en matière de cancer, a annoncé le classement du glyphosate, comme cancérogène probable (Groupe 2A), décision motivée par le fait que le glyphosate présente des propriétés génotoxiques et oxydatives. 
  • L’exposition au glyphosate augmenterait de 41 % le risque de lymphome non hodgkinien chez des agriculteurs. 

A l’inverse, en novembre 2015, l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments) a estimé qu’il était improbable que le glyphosate soit un cancérogène pour l’Homme.

Un impact possible sur le fonctionnement du système nerveux

  • En dépit de sa faible toxicité chez les mammifères, et indépendamment de ses impacts génotoxiques et oxydatifs, le glyphosate est soupçonné d’exercer des effets neurotoxiques et d’affecter le développement et la physiologie cérébrale avec des conséquences potentielles sur le psychisme et le comportement. 
  • Chez l’Homme, dans des situations de surexposition, il a été décrit des syndromes parkinsoniens. 
  • De l’abondante littérature scientifique sur différents modèles animaux, il ressort que le glyphosate ou les préparations à base de glyphosate (GBH) pourraient avoir un impact sur la mise en place et le fonctionnement du système nerveux, pouvant éventuellement provoquer des troubles de la mémoire ou des syndromes dépressifs.

Un lien possible entre exposition au glyphosate et troubles du spectre autistique ?

  • Plusieurs mécanismes cellulaires ou moléculaires ont été évoqués pour expliquer ces effets centraux. 
  • Les chercheurs décrivent des effets sur la synthèse de neurotransmetteurs en particulier la dopamine et la sérotonine, des effets excitotoxiques par interaction avec les récepteurs NMDA au glutamate, des effets sur la mort cellulaire programmée (apoptose), ou encore des effets sur le niveau d’expression de gènes de développement. 
  • Cependant, comme c’est souvent le cas dans les études portant sur les perturbateurs environnementaux, il est difficile de traduire ces effets mécanistiques dans des situations d’exposition réelle chez l’Homme. 
  • Il a également été montré chez le rat que l’exposition au glyphosate durant la gestation induirait des troubles du développement cérébral et du comportement, associé à des modifications du microbiote, ce qui n’est pas étonnant compte tenu du fait que le glyphosate a la capacité de bloquer la synthèse de protéines chez les bactéries.
  • Chez l’Homme, certaines études menées en Californie dans des régions où les populations sont très exposées au glyphosate, ont suggéré des associations entre de fortes expositions à certains herbicides, dont le glyphosate, et une augmentation des cas d’autisme ce qui vient renforcer l’hypothèse d’une association entre composition du microbiote et troubles du spectre autistique.

En conclusion

  • On peut dire qu’il n’est pas exclu que le glyphosate exerce des effets neurotoxiques par le biais de différents mécanismes mais pour l’heure la relation de cause à effet est loin d’être établie.